Le rôle essentiel des haies
Les haies !
Ça n’a pas l’air hyper sexy comme ça, pourtant de gros enjeux se cachent derrière ce sujet que je découvre à peine et qui me passionne déjà. Restez avec moi, vous allez voir 😉
Sur notre ancien terrain, la haie servait de refuge aux oiseaux, petits mammifères et surtout à un monde d’insectes. Nous avons eu le cœur brisé quand le viticulteur voisin à massacré en plein printemps la moitié de celles qui nous séparaient de lui. Ça lui fait gagner des m2 de culture mais quelle peine pour toute la vie sacrifiée.
C’est une des premières choses que nous avons regardé sur notre nouveau terrain : bois, lac et haies à foison, tout pour avoir un écosystème divers et donc sain. On s’imaginait bien, intuitivement que c’est positif pour nos cultures mais afin d’être un peu plus exhaustive que juste « youpi c’est bien, vive les haies », j’ai un peu creusé le sujet. (Ok je me sers de vous comme excuse pour aller potasser.)
Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de choses à raconter, je me suis beaucoup retenue pour ne pas trop écrire. J’ai trouvé une foule de livres et de références très chouettes sur le sujet, pour aller plus loin vous retrouverez les sources à la fin de l’article.
Voici donc un petit résumé de ce que j’en ai retenu. 👇🏻
MARION
Définition 🙃
La haie est définie comme une structure linéaire gérée par l’homme, d’une largeur moyenne au plus égale à 10 mètres et comportant au minimum trois arbres séparés au maximum de 10 mètres les uns des autres. (C. Benhamou, 2012)
Pourquoi les haies ont régressé ? 🤔
– Jusqu’en 1950, elles étaient exploitées manuellement par les paysans. Avec la mécanisation (remembrement) il y a eu une grande augmentation des surfaces d’exploitation. On vire celles qui gênent pour agrandir les parcelles.
– Les haies servaient beaucoup pour les élevages d’animaux. Avec l’apparition des clôtures avec fil barbelé puis électriques, on en a moins eu besoin. Puis avec la diminution du temps de pâturage encore moins.
– L’invention de la tronçonneuse accélère joliment le déboisement.
– Le pétrole arrive, bon marché, entre 1950 et 2000. La haie perd sa fonction essentielle jusqu’alors : la production de bois de chauffage. Ce n’est plus rentable !
– Apparition du drainage en 1970 qui permet de faire des cultures de grande taille même en zone humide, qui étaient autrefois contrôlées grâce au bocage.
– Moins d’agriculteurs = moins de main d’œuvre et donc moins de temps à s’occuper du « paysage ». C’est beaucoup d’énergie d’entretenir les haies !
– La PAC (Politique Agricole Commune) en 1992 va accélérer la régression de l’arbre : les surfaces agricoles arborées ne sont pas éligibles aux primes car l’arbre et considéré comme « improductif ».
Source : « Les haies rurales » de Fabien Liagre aux éditions France Agricole
Petit point histoire 🔦
Historiquement, la haie était surtout défensive. C’est l’ancêtre des murailles fortifiées. Les essences épineuses telles que l’aubépine, le prunelier et l’églantier ont tout pour dissuader un agresseur ! Elle a été aussi longuement utilisée pour parquer les animaux, et puis plus simplement pour marquer sa propriété « Toi de ce côté et moi du mien, cher voisin ». Depuis on réalise que c’est bien plus que ça : les haies jouent de multiples rôles environnementaux.
La protection 💪🏻
Protection microclimatique
La haie est comme un petit mur (en plus joli). Elle génère un effet « brise-vent » ce qui lui permet d’abriter une zone. Les dégâts sur les feuilles et fleurs sont alors réduits, la température diurne et nocturne est augmentée de 2-3 degrés, l’évaporation de l’eau du sol est réduite ainsi que l’évapotranspiration des végétaux. On parle alors de « microclimat » qui permet de générer de meilleures récoltes sur la zone protégée. Rappelez-vous on avait visité ça en vidéo en Argentine !
Pour mieux connaître la hauteur et la longueur les espèces nécessaires à la création d’un microclimat idéal, on ne peut que vous conseiller la lecture du livre « La forêt-jardin » de Martin Crawford qui entre très en détail sur les brises vents.
Protection physique
Ce point est uniquement issu de notre expérience personnelle : nous avons loué pendant 8 ans une serre qui était séparée du champ voisin par une petit haie pas bien haute. Je ne l’aurais pas cru si je ne l’avais pas vécu, mais en travaillant le sol, il n’était pas rare que le tracteur de notre voisin envoie des pierres dans notre direction, et la paroi de la serre était criblée de trous qu’il fallait colmater avant l’hiver. Si nous avions pu laisser pousser plus haut et plus drument la haie qui nous séparait, nous aurions probablement limité ces dégâts.
Par leur effet brise-vent, les haies permettent la protection des bâtiments comme par exemple les serres. Une bonne stratégie dans les zones comme chez nous où ça souffle (de plus en plus).
Une haie peut aussi servir à réduire les bruits environnants, comme ceux produits par une route ou un élevage d’oies ! (Oui, on est dans le Gers, alors mes exemples sont très territoriaux.)
Les haies peuvent également dessiner une voie d’accès pour guider les promeneurs et éviter qu’ils ne marchent sur vos rangs d’oignons ou vos semis de prairie fleurie.
L’optimisation des ressources 🌱
Les haies sont bénéfiques pour la ressource « eau »
(On passe au sujet sérieux youpiii)
Pour commencer, elle freine la vitesse d’écoulement de l’eau de pluie (selon son positionnement). Ensuite, les racines améliorent la structure du sol au pied des arbres, ce qui permet une meilleure perméabilité. L’eau est freinée, le sol perméable, cela facilite donc son infiltration dans le sol. On parle de captage d’eau potable. La recharge des nappes phréatique en automne et en hiver en sera favorisée. Pour optimiser cette action, une bande enherbée au pied des haies, en cuvette, bien positionnée, va favoriser ce captage de l’eau (et des minéraux) qui sont sinon entrainés à la surface quand il pleut, trop dommage.
La haie favorise le filtrage des nitrates.
Ohlala Mais c’est quoi déjà le problème avec le nitrate ? Petit rappel : la problématique nitrates est notamment caractéristique des régions d’élevage intensive porcines et bovines où les quantités d’effluents sont trop important par rapport à ce que les sols peuvent recevoir.
Les nitrates sont ici consommés par deux voies différentes :
L’absorption directe par la plante : quand elle le consomme pour ses besoins nutritifs (réorganisation de l’azote sous forme organique, on le voit dans notre formation ça !) ce qui est au top au printemps que les plantes ont la dalle et plein de feuilles à fabriquer. Un peu moins efficace à l’automne ou en hiver quand leur métabolisme est ralenti. Et comme dans tout ce qu’on observe, c’est absolument stylé parce que la plante va chopper cet azote mais elle le rendra plus tard, en perdant ses feuilles ou à sa mort, hein le cycle !!
La dénitrification. Sous l’action des bactéries anaérobies, les nitrates sont transformés en azote gazeux hop qui part dans l’atmosphère (on se rappelle de quoi est composé notre air ? Je te le glisse ici : 78,087 % de diazote – c’est luiiii – ; 20,95 % de dioxygène, 0,93 % d’argon ; 0,041 % de dioxyde de carbone et d’autres gaz). Par contre, là aussi ce n’est pas systématique, ce processus arrive dans des conditions particulières, surtout quand les sols sont saturés en eau (donc en ce moment quoi). Ça commence à devenir trop technique pour moi, mais j’ai compris que la disposition des haies par rapport au relief est clé pour bien faire des choses.
Les haies sont bénéfiques pour la ressource « sol »
Notre belle haie, en retenant l’eau lorsqu’il pleut, permet de capter des éléments nutritifs dans son sol. Elle lutte donc contre l’érosion. Et oui, tout comme l’eau, ces petits minéraux vont rester et être utilisés sur place plutôt que de partir dans les rivières.
Les arbres en perdant leurs feuilles et en vivant puis mourant, en hébergeant des êtres vivants qui eux aussi vont mourir ou produire des déchets, vont participer à fournir de la matière première à ce sol. Les haies participent à la bio-accumulation de minéraux dans la litière.
La haie joue un rôle de filtre à polluant : elle favorise la dégradation de substances actives (pollution) diffuses d’origine agricole dissoutes dans les eaux comme les nitrates ou attachées aux matières en suspension comme le phosphore et les produits phytosanitaire en les stockant et en les transformant. Les polluants peuvent être filtrés lors des dépôts au sol, mais c’est aussi une barrière physique contre les polluants vaporisés. Bon faut pas se mentir, c’est pas ouf du tout pour la biodiversité interne de la haie… ! Ça peut protéger une zone mais ça n’est pas une solution. Une solution serait plutôt de diminuer l’utilisation de substances polluantes.
Les haies sont bénéfiques pour le moral
Pour cacher un voisin, un bâtiment moche, pour être entouré de vert, … l’esthétique c’est important aussi ! En choisissant bien ses essences, elles permettent de bénéficier de couleurs et d’odeurs diverses toute l’année. Attention, on évite à tout prix les haies monospécifiques (une seule espèce), le fameux « béton vert » dont parle Marie Wild sur sa vidéo youtube ! Elle nous dit que les haies de thuya et de laurier ce n’est pas si beau, ça demande beaucoup d’entretien et niveau biodiv ça ne sert à rien ! Eh oui, le mono spécifique c’est la plaie : une seule essence qui appauvrit et détériore le vivant. (Tiens tiens ça ne serait pas une leçon pour l’humanité ça ??)
Pour clore ce chapitre sur les bénéfices de la haie, je veux parler des limites parce que j’aime bien les nuances, vous l’aurez compris si vous avez lu mon livre : la haie ne va pas tout résoudre, son action dépend du paysage, des mouvements de l’eau, de la pente, de la compostion de la parcelle, etc.. « elle n’agit que comme modulateur des flux ». (Merot 2004)
Rétablir la biodiversité 🦋
Les haies sont bénéfiques pour la ressource « biodiversité ». On peut explorer plein de critères qui donneront des résultats différents : selon la nature des essences, le nombre d’essences différentes, la structure de la haie couplée ou non (arborescente, arbustive, herbacée), sa largeur, sa densité, la présence d’arbres vieux/morts avec cavité (où se nichent par exemple les majestueuses abeilles charpentières), ….
Attirer la vie
L’idée est de rétablir un équilibre naturel. La haie restructure la chaine écologique dans un environnement souvent appauvri en biodiversité. Elle va héberger à la fois ravageurs et auxiliaires. Il ne faut pas se focaliser sur l’extinction des ravageurs (sinon les auxiliaires mangent quoi ?) ils seront présent mais « contrôlés » donc on va éviter les invasions. C’est ça l’équilibre entre prédateur et proie ! Les floraisons précoces de certaines espèces d’arbuste permettent aux insectes de commencer à se nourrir tôt dans l’année. C’est aussi une source d’aliments et un abri à la faune sauvage.
- Les arbres et arbustes mellifères vont offrir nectar et pollen aux abeilles et bourdons, qui seront alors plus en nombre pour aller s’occuper de vos cultures et en augmenter les rendements. Plus on a d’espèces et plus on peut étaler la floraison dans l’année.
- Les oiseaux vont venir nicher, chanter, manger (selon les espèces des insectes, petits mammifères, escargots, ..).
- Des mammifères s’installeront et ils sont nombreux et très utiles : écureuil, hérisson, chauve-souris, blaireau, renard, belette, hermine …
- Sans oublier les différents reptiles et batraciens comme les grenouilles et salamandres.
Ce petit monde vivant, attiré par ces arbres qui leur offrent un abri et de quoi manger, s’organise, se suffit à lui-même, et va rendre l’environnement plus sain et plus résistant.
Faire corridor
Pour être encore plus optimisée, la haie doit être reliée à d’autres haies. Ceci facilite le passage des insectes, des animaux mais aussi des pollens et des graines. Les corridors proposent des habitats variés qui répondent à différentes phases de la vie de l’animal (refuge, reproduction, croissance).
Les animaux circulent dans un rayon de x mètres autour de son habitat (par exemple 50 m pour les fourmis, 150 m pour le crapaud, 250 m pour le hérisson…) et donc les haies permettent d’augmenter le terrain de jeu de cette biodiversité. Ce qui permet de mieux répartir les auxiliaires de lutte contre les ravageurs, comme par exemple les chauves-souris contre les pucerons et les papillons, ou les hérissons contre les limaces…
Source : « Planter des haies de biodiversité » de Bernard Farinelli, aux éditions Terran.
Image : arbre et paysage 32
Les haies sont merveilleuses car si elles sont diversifiées elles permettent une diversité d’habitats pour une diversité d’espèces dont certaines vont bien nous aider avec nos cultures maraichères.
Haha on trouve cela génial ? Mais ce n’est pas tout !
La production 😎
Production de bois
Les haies peuvent être une belle ressource énergie. Elles produisent du bois énergie qui peut être utilisé pour se chauffer ou même pour la menuiserie. Le bois est également récupéré pour produire de l’amendement de type BRF (bois raméal fragmenté). Ces copeaux sont épandus au sol pour stimuler les processus d’humidification naturelle et augmenter le potentiel de fertilisation des sols.
Les résidus de la haie, riches en protéines, peuvent servir d’apport au compost. Broyer les résidus de taille (plutôt viser les feuillus que les résineux) qui fournissent plein de matière carbonée et azotée.
On peut aussi utiliser des résidus de la haie pour faire du paillage sur ses planches de culture, ou l’utiliser en litière pour des animaux d’élevage.
Alors oui il faut apprendre à bien « faire sa haie » car c’est une bonne gestion qui lui permettra de pouvoir se régénérer et de bien produire tous les ans.
Vincent Vignon, écologue, nous raconte sur le Podcast « Poids Plume » d’Oiseau Bondissant comment les haies et le paysage de bocage, lorsqu’on est bien organisé, sont une source de matière première infinie. C’est ici : https://www.oiseaubondissant.fr/poids-plume-02-vincent-vignon/
Production de fruits et de pollen
Rien que dans la petite haie qui entourait notre serre on y retrouvait naturellement des petites prunes (« prunes aux cochons » qu’ils disent ici !), des noisettes, du sureau, des glands, fruits du houx, de l’aubépine, du chèvrefeuille, et certainement plein d’autre espèces très chouettes que je n’ai pas su reconnaitre !
Imaginez un peu les possibles en travaillant un peu les espèces, on peut obtenir une haie très productive ! Damien Dekarz nous fait d’ailleurs beaucoup rêver et donne d’excellents conseils pratiques dans son livre « la forêt comestible » pour avoir une belle diversité alimentaire dans sa haie (en plus de tout le reste oui oui).
Les insectes pollinisateurs, comme les abeilles et les bourdons, permettent la pollinisation de 80 % des variétés des plantes cultivées en Europe (tournesol, colza, légumes, fruits, luzerne, trèfle, etc.). Ces systèmes agroforestiers leur offre des habitats, et une belle ressource nectarifère et pollinique tout au long de l’année grâce à leur variété de végétaux fleurissant à des périodes décalées. Allez et cerise sur le gâteau, vous me voyez venir : en plus de polliniser nos cultures, ces insectes peuvent aussi produire du miel grâce aux plantes mellifères de la haie (aubépine, chêne, tilleul, saule, néflier, érable champêtre…).
Source : Association Française Arbres et Haies Champêtres (AFAHC)
Mes petits conseils pour la route 🚗
- Dans les haies ou même dans la forêt, on laisse du bois mort sur place. C’est hyper important pour les champignons et foule de petits insectes qui en dépendent. Les cavités dans les vieux arbres morts permettent de stocker de l’eau pour de nombreux insectes dont les papillons.
- Moins on taille mieux c’est pour la biodiversité ! Attention au syndrome du « jardin bien rangé » haha on vous voit !
- On varie les espèces (locales) et les hauteurs, on connecte les haies entre elles.
- Un petit talus au pied des haies offre une zone humide tip top pour certains animaux fleurs, champis…
Auteur : Marion Sarlé
Sources 📖
La publication de l’Association Française Arbres et Haies Champêtres (AFAHC) https://www.agroforesterie.fr/PAGESA.pdf
Livre « La forêt-jardin » de Martin Crawford
Interview de Vincent Vignon sur le Podcast « poids Plume » d’Oiseau Bondissant https://www.oiseaubondissant.fr/poids-plume-02-vincent-vignon/
Livre « Planter des haies de biodiversité » de Bernard Farinelli, aux éditions Terran
Marie Wild « Replanter une haie champêtre » : https://www.youtube.com/watch?v=uDnnGQatK_o
Livre « La forêt comestible » de Damien Dekarz aux éditions Terran
Livre « Les haies rurales » de Fabien Liagre aux éditions France Agricole
Pour aller plus loin 🌳
On admire et on adore : www. ap32.fr – Arbre et Paysage 32 – Facilitateur d’arbres.
Arbre et Paysage 32 est une structure de conseil et d’ingénierie dédiée essentiellement à l’arbre, à la haie champêtre, et à l’agroforesterie. L’association créée à l’initiative d’agriculteurs en 1990 se consacre à promouvoir la place de l’arbre « non forestier » auprès de tous, et en partenariat avec les acteurs des territoires, les socio-professionnels de l’agriculture, les enseignants et les chercheurs. Arbre et Paysage 32 propose depuis son origine un accompagnement aux agriculteurs, aux collectivités ou aux particuliers qui désirent réaliser un aménagement à base d’arbres : conception, appui et un suivi technique pour la plantation, la régénération naturelle, et la gestion d’arbres isolés, de haies, de bosquets ou d’alignements … de bordure ou au sein des parcelles. Les missions d’Arbre et Paysage 32 dépassent le domaine de l’ingénierie, de la plantation et de la gestion d’arbre. L’association porte la parole de l’arbre auprès de nombreuses instances locales, régionales, et nationales, et communique auprès de tous les publics au travers de manifestations diverses (conférences, sorties, animations, évènementiels), de publications diverses et d’édition d’ouvrages de référence. Elle propose des formations, participe à des actions pilotes ou à des programmes de développement dans les territoires. Elle collabore avec des laboratoires de recherche et participe à des réseaux d’acteurs et plus particulièrement d’agriculteurs.