Passer un contrôle sanitaire de la DRAAF
Cet article est un compte rendu de notre contrôle sanitaire.
L’objectif de ce partage est d’apporter un retour d’expérience détaillé, pour que d’autres structures similaires puissent anticiper et se préparer au mieux à l’éventualité d’un contrôle sanitaire.
Date du contrôle sanitaire : Juillet 2020
Organisme contrôleur : DRAAF Occitanie
Lieu du contrôle : Les Sourciers, 32330 Lagraulet-du-Gers
Type de structure : Maraichage sous serre 600m2, polyculture, hydroponie et bioponie recirculée (hors sol) pas de label.
Prise de contact : téléphonique 15 jours avant, elle m’a annoncé qu’elle souhaitait faire un contrôle sur notre structure et prélever des tomates pour les faire analyser. Nous avons convenu ensemble de la date. Pas d’envoi de courrier.
MARION
Contexte 🙃
Deux personnes sont venues sur le site, une pour l’aspect phyto et l’autre pour l’aspect bacterio. Personnes très aimables et sérieuses. La démarche est à la fois le contrôle et la diffusion de l’information et des règles.
L’entretien a duré 2 heures, il a commencé par une présentation du site et de notre activité, puis un long questionnaire, et enfin le prélèvement des échantillons de tomates.
J’ai essayé de prendre note autant que possible des questions posées dans le questionnaire, pour que notre expérience puisse servir à d’autres. Cependant pour certains points je n’ai pas pu creuser afin de savoir quelles sont les bonnes pratiques conseillées dans le cas d’une culture pleine terre par exemple, les points ci-dessous paraitront donc parfois incomplet.
Environnement ☘️
Les premières questions portaient sur l’environnement de culture : est-on dans un couloir aérien, une zone inondable, quelles industries a-t-on à côté, autoroutes, culture conventionnelles, … afin de déterminer la présence de pollution aérienne potentielle.
Elles expliquent que souvent les structures en bio sont polluées par leur voisin, soit par de l’épandage mais le plus souvent par l’utilisation d’eau de forage venant de nappe phréatique polluée. La solution est l’installation de filtration à l’arrivée d’eau.
Eau 💧
Un des deux points les plus important : quelle eau est utilisée pour irriguer nos plantes ?
Sur notre ferme nous utilisons l’eau de réseau et on sent que cette réponse est un point de soulagement. Elles vont vérifier nos canalisations et nous conseillent d’installer un clapet anti-retour afin que l’eau des cuves ne puisse pas revenir dans le tuyau et polluer le réseau domestique.
Nous n’arrosons jamais les plantes par le dessus, mais si c’était le cas ce serait ok de le faire avec l’eau du réseau. Dans le cas d’arrosage aérien avec une eau autre que celle du réseau, elles préconisent une analyse E-coli et Salmonelle au moins une fois par an.
Comme pour tout ce qu’elles vont contrôler, pas d’obligation de moyen, ce sont les résultats qui comptent.
Nous ne rinçons pas nos plantes avant de les vendre, mais si c’était le cas elles préconisent fortement l’utilisation de l’eau de réseau pour cette tâche.
Elles nous expliquent que si nous travaillions avec de l’eau de forage, il aurait fallu essayer de la pomper le plus profond possible. Avec l’eau de surface il faut réaliser plus d’analyses. Par exemple analyses bactério et métaux lourds la première année, si c’est ok refaire une analyse 1 an plus tard, si c’est toujours bon refaire une analyse 3 ans plus tard, si c’est toujours correct alors refaire une analyse 5 ans plus tard.
Traitements 🤟🏻
En plus de l’eau, c’est l’autre gros sujet de leur visite : vérifier tout ce que nous mettons sur les plantes (phyto, produits bio, bouillies maison, …). C’est un gros point de vigilance.
Là aussi c’est un soulagement car nous ne mettons absolument rien sur nos plantes, rien du tout. Et le prélèvement effectué le confirmera.
Si c’était le cas, elles auraient voulu regarder toutes les étiquettes, et nous aurions dû utiliser une armoire phyto (même pour la bouillie bordelaise !) qui ferme à clé.
Concernant nos nutriments, elles regardent les bidons et tant que c’est quelque chose de commercial et non pas de fabrication maison, aucun problème. Elles nous le disent elles-mêmes : nous utilisons de l’eau de réseau donc « potable » dans laquelle nous mettons des nutriments commerciaux donc « testés » alors nous ne courrons pas de risque. Si nos nutriments étaient fabriqués maison (thé de compost, purins …) nous aurions l’obligation de faire tester régulièrement l’eau en labo (c’est un budget, c’est pour ça que nous ne le faisons pas sur notre système pro).
Graines 🌱
Notre point d’inquiétude, car nous utilisons beaucoup de semences que nous récupérons nous même, et donc je me posais des questions sur leur traçabilité (numéro de lot etc…).
Pour elles, pas de problème d’utiliser ses propres semences (semences de ferme) à condition de toujours en garder un petit échantillonnage pendant au moins 1 an afin de pouvoir analyser la graine en cas de soucis.
Concernant les semences achetées il faut garder les sachets vides, et les factures pendant 3 ans. Et tout conserver loin des rongeurs (frigo pour nous).
Substrats 🌋
Elles s’intéressent au substrat afin de déterminer si c’est une source potentielle de contamination. Comme nous travaillons en hors sol nos substrats sont neutres (billes d’argile, coco…) donc pas besoin de creuser le sujet.
Je ne sais pas quelles auraient été les règles avec du compost fermier.
Nous avons un tas de compost qui nous sert à enrichir nos buttes permacoles (dont les produits ne sont pas commercialisés, c’est notre potager domestique). Elles sont allées le vérifier. Le point important était que le compost soit assez loin de la serre car il pourrait attirer des maladies et ravageurs.
Traçabilité 🔍
Elles demandent à voir notre registre de culture, heureusement nous avons un classeur avec des tableurs qui reprennent le détail de chaque semis qui a été fait depuis 2013 : la date du semis, transplant, la date de début de récolte, de fin de récolte, et de rotation de fin de culture. C’est une information importante car ça permet de retrouver le lot de graines et donc le fournisseur en cas de problème sanitaire sur une vente. (Et je suis contente que ce registre qui nous prend tellement de temps serve à quelque chose.)
Les récoltes 🥬
Elles regardent en détail tout notre matériel de récolte, les matières doivent être lavables. Nous utilisons des passoires en inox, sécateurs, une balance, des emballages plastiques. Tout ce matériel doit être stocké dans une caisse fermée afin d’être protégé des rongeurs qui peuvent se balader dans la serre. C’est le cas donc tout va bien.
Elles nous demandent notre routine de lavage et nous avons un document à ce sujet sur les bonnes pratiques (le document ne nous est pas demandé). L’important est de bien laver ses outils après chaque récolte et de désinfecter régulièrement le matériel et les surfaces. Notre table de travail est recouverte d’une bâche plastique épaisse qui permet de bien être nettoyée.
Elles nous demandent où et comment nous stockons mais comme nous travaillons en flux tendu (produits livrés dès la fin de la récolte) nous ne sommes pas allés plus loin sur ce point.
Elles demandent à voir le véhicule de livraison mais celui-ci est justement en livraison au moment de leur visite. C’est un véhicule particulier, pas une camionnette, mais le sol de celui-ci est recouvert de lino pour en permettre le nettoyage. Les produits sont pourtant emballés et stocké dans une glacière pendant toute la durée de la livraison, mais il faut quand même nettoyer à fond son véhicule. Elles nous expliquent que c’est particulièrement important si on marche dans la terre. (C’est paradoxal, mais pour une fois on sent que le fait de ne pas travailler en terre est un avantage considérable pour nous).
Elles demandent à voir notre carnet de bons de livraison et factures qu’elles prennent en photo.
Autres ✨
- Nous avons des toilettes sèches sur le site, aucun problème à ce niveau-là. Ce qui est important c’est d’avoir un évier avec un savon pour se laver les mains après le passage aux toilettes.
- Nous cultivons du cresson de fontaine. Attention, sur cette plante nous devons prévenir la DRAAF et se faire contrôler tous les trois ans car c’est une plante à fort risque (douve).
- Elles nous demandent si des chiens ou chats entrent dans la serre, car risque de toxoplasmose et d’échinococcose.
- Elles nous demandent si nous faisons de la dératisation. Ce n’est pas le cas, mais si nous en faisions, il est important de bien marquer les points ou sont placés les pièges, particulièrement si ceux-ci sont chimiques, afin de ne pas contaminer les récoltes.
- Aucune mesure covid n’a été contrôlée. (Mais nous avions nos masques car c’était l’heure de la récolte)
- Puis elles procèdent à la récolte d’échantillons (3 x 1kg) de tomates qu’elles mettent sous scellé pour envoyer en labo. Je dois garder un des trois échantillons dans notre congélateur. Nous aurons les résultats 3 semaines plus tard.
À la fin nous signons en 3 exemplaires un procès-verbal qui atteste que tout est ok.
Conclusion 😇
Elles auront pris beaucoup de photos, regardé comment nous travaillons bien en détail (elles vont vérifier quand on affirme quelque chose, je déconseille de mentir).
Peut-être avons-nous eu de la chance mais nous avons senti une bienveillance et une ouverture d’esprit, on a compris leur rôle de prévention et d’information, pas seulement de répression.
Notre crainte était qu’on soit dans l’obligation d’appliquer des règles sanitaires conçues pour des structures industrielles, et inadaptées à des petites structures comme la nôtre (de type pédiluve à l’entrée de la serre…) qui représentent une contrainte ou un budget bloquant. Mais rien de tout cela, ouf !
Notre méthode de culture est clairement un avantage pour nous en ce qui concerne le côté sanitaire (à ma grande surprise), mais même pour des cultures en terre des solutions sont souvent proposées pour contrer un problème potentiel (filtrer l’eau avant arrosage).
Nous avions préparé des documents « gestion de crise » qui détaillent la procédure à effectuer en cas de contamination chez un client, et un « guide des bonnes pratiques sanitaires » pour notre serre, mais aucun n’a été demandé à être vu.
J’espère que ces quelques lignes auront pu vous guider, et bon courage si vous devez être contrôlé !
Pour aller plus loin 😉
Voici un document très intéressant qui m’avait été partagé par l’ADEAR du Gers
MARION
Maraîchère et formatrice en hydroponie écologique